dimanche 4 mai 2008

Expo Zucca : un brève biographie

1897 : Naissance d'André Zucca, à Paris. Il est le fils unique d'une couturière piémontaise et d'un père qui ne le reconnaîtra pas.

1911-1915 : Il vit avec sa mère à New York.

1915 : Il s'engage dans l'armée française. Blessé et reformé, il reçoit la croix de guerre.

1916-1938 : il devient photographe et travaille pour le journal de théâtre et de cinéma Comœdia.
Il se marie en 1933 avec un comédienne. Entre 1916 et 1934, il est condamné plusieurs fois pour recel ou vol. En 1935-1936, il réalise son premier grand reportage et parcourt l'Italie, la Yougoslavie et la Grèce. Il s'intéresse (en Yougoslavie, notamment), aux diversités culturelles et religieuses. En 1937, l'aventure continue. Il s'embarque pour le Japon via le canal de Suez à bord d'un vieux cargo et revient par la Chine et l'Inde, puis se rend au Maroc. Il vend ses photos à Paris Soir, Match, Life, Picture Post. Il ne fera partie d'aucune école et ne se mêlera jamais de mondanités artistiques. Absent des revues qui comptent (Document, Arts et Métiers graphiques...) comme des expositions cruciales (l'Exposition Internationale du musée des Arts décoratifs en 1936), des débats esthétiques (groupe Alliance-photo) comme des innombrables salons où l'on théorise, il ne prend aucune part au bouillonnement artistique de l'entre deux guerres.

1939-1940 : Attaché au services de renseignement et correspondant de guerre, il part couvrir les combats de l'armée finlandaise sur le front de Carélie. Début 1940, en France, il fait équipe avec Joseph Kessel pour Paris Soir.

1941-1944 : Il devient correspondant du journal allemand Signal. Réquisitionné, requis ? On ne sait. En tous cas, il obtient une carte de presse, un laissez-passer et un salaire confortable. Il reçoit également des autorités allemandes le film inversible Agfacolor 16 ASA, en rouleaux de 36 vues, concurrent du Kodacolor américain. Les clichés qu'il prendra sont, avec ceux du soldat allemand Walter Diezner, le seul témoignage en couleurs du Paris de l'Occupation. Signal ne publiera aucune de ces photos. Zucca semble n'avoir fait de l'Agfacolor qu'un usage personnel et expérimental. En revanche, il couvre pour le bimensuel nazi (et en noir et blanc) tous les événements importants : visites officielles, grandes messes collaborationnistes (meeting du Parti Populaire Français au Vél’d’Hiv, 8 août 1943), les discours publics (Jean Hérold-Paquis, 6 septembre 1943), les commémorations (obsèques nationales de Philippe Henriot, 1er juillet 1944), les bombardements (Boulogne-Billancourt, 3 mars 1942, Montmartre, 20 avril 1944), la mode et la vie parisienne (courses à Longchamp), les faits de guerre (débarquement de Dieppe, août 1942), le sabordage de la Flotte à Toulon (Fin novembre 1942)... Rappelons que Signal est un organe de la Propaganda Stafel glorifiant, à travers toute l'Europe occupée la geste héroïque de la Wehrmacht, de la Waffen SS, de la LVF, etc. Une partie magazine traite des sorties, loisirs, cinéma, théâtre, mondanités, répandant insidieusement l'idée que, son art de vivre intouché, la France s'accommode fort bien de la présence allemande.

Octobre 1944 : André Zucca est arrêté et inculpé de « collaboration avec l'ennemi et atteinte à la sûreté de l'état ». Il est relâché sur intervention, semble-t-il, de l'entourage du général de Lattre de Tassigny.

1945 : Les poursuites sont abandonnées et Zucca quitte Paris pour Garnay, près de Dreux et change de nom (il devient Piernic, contraction du prénom de ses deux enfants, Pierre et Nicole).

1952 : Il ouvre une boutique de photographie à Dreux. Mariages, portraits, communions et ... Faillite.

1965 : Retour à Montmartre.

1973 : André Zucca meurt, à Paris.

1986 : la Bibliothèque historique de la Ville de Paris achète aux enfants du photographe, Pierre (réalisateur : Vincent mit l'âne dans un pré, avec Michel Bouquet, Bernadette Lafont, Fabrice Luchini) et Nicole, l’ensemble du fonds photographique.

Figure de baroudeur, de voyou et de collabo, André Zucca est à l’image de sa biographie (d’ailleurs parcellaire et contradictoire), un personnage déconcertant. On aimerait en savoir plus sur les inculpations dont il fait l’objet dans les années 20, sur la nature de ses relations avec Kessel, sur son absence aveuglante du milieu de la photographie parisien, en pleine effervescence dans les années 30, sur les conditions de la négociation de son contrat avec Signal, sur sa relaxe après guerre et du soutien de personnages au dessus de tout soupçon dont il semble avoir bénéficié, sur sa vie de modeste artisan de l’Eure et Loir, sur ses dernières années à Paris. Un parfum de mystère flotte, de barbouzerie, peut-être. Si Zucca ne semble pas s’être voulu artiste, ses cadrages ou ses compositions trahissent des ambitions esthétiques. Ce qui frappe également, c’est une certaine absence d’empathie, de chaleur, d’émotion. Certains de ses clichés ont ainsi la froideur impeccable de la peinture hyperréaliste. Comble pour un photographe de propagande, Zucca semble s’appliquer à ne rien montrer, à ne rien dire. Un paradoxe qui n’est qu’apparent, le photographe de propagande, après tout, ne dit et ne montre que sur commande. Pour ses clichés personnels, Zucca, gêné par tant de liberté et, en un sens, par la simple réalité (qui, peut-être, ne l’intéresse pas beaucoup), conserve ses tics, compose, cadre… Selon qu’on soit pour ou contre Sainte Beuve, on fera ou non son miel de ce que disait Pierre Zucca de son père qu’il décrivait comme énigmatique, fantasque et mythomane

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